21 Juillet 2020, la World Nuclear Association a mis à jour sa base de données du parc nucléaire mondial et, en particulier, depuis la base de données PRIS de l’AIEA, les bilans de production nucléaire de chaque réacteur en 2019.
Premières connexions au réseau
Les derniers réacteurs a avoir été connectés au réseau en 2019 furent les deux réacteurs de 32 MWe de l’Akademik Lomonosov, la centrale flottante russe.
Rappelons que le « MWe », pour « Mégawatt électrique », indique la puissance électrique qu’est capable de délivrer un réacteur nucléaire (avec ses équipements, le tout constituant une « tranche »). La puissance électrique en MWe se diffère de la puissance thermique, notée MWth, qui indique la quantité de chaleur produite par le réacteur par unité de temps. Parce que la plupart des centrales nucléaires ont un rendement thermique -> électrique de l’ordre de 33%, la puissance électrique est généralement trois fois plus faible que la puissance thermique.
En général, en l’absence de précision « MWe » ou « MWth », pour une centrale électrique, c’est la puissance électrique dont il est question. Dans ce billet, il sera systématiquement précisé de quelle puissance on parle.
Lancements de chantiers
Seulement cinq chantiers de réacteurs ont été lancés en 2019, mais dans quatre pays différents:
- Kursk 2-2 en Russie, un VVER-TOI de 1115 MWe
- Zhangzhoy 1 et Taipingling 1 en Chine, des Hualong One de 1126 et 1100 MWe
- Bushehr 2 en Iran, un VVER-1000 de 915 MWe
- Hinkley Point C2 au Royaume-Uni, un EPR de 1630 MWe
Facteurs de charge
Le facteur de charge est le ratio entre la production d’une tranche sur une année et la production qu’elle aurait eu si elle avait été à pleine puissance 24h/24 et 7j/7 pendant l’année. Le facteur de charge d’une tranche nucléaire est réduit par les arrêts pour rechargement du combustible le cas échéant, les arrêts pour maintenance, les défaillances, et les baisses volontaires de puissance pour s’adapter aux besoins du réseau dans certains cas (essentiellement en France).
Un réacteur de 1000 MW, s’il fonctionnait à pleine puissance en permanence, délivrerait 8,77 TWh d’électricité par an. Si son facteur de charge est de 90%, il n’a donc produit que 7,89 TWh. De même, un réacteur de 900 MW qui produirait à pleine puissance en permanence délivrerait 7,89 TWh.
En revanche, dans beaucoup de pays, la puissance des réacteurs a été sensiblement augmentée au fil des années. Mais dans certains de ces pays, le calcul du facteur de charge se fait en considérant la puissance de conception du réacteur. Autrement dit, un réacteur de 1000 MW mais dont la puissance a été augmentée à 1100 MW peut produire jusqu’à 9,64 TWh par an. Admettons qu’il ait produit 9 TWh : son facteur de charge est égal à 9/9,64 soit 93%. Mais certains pays considéreront que c’est à la base un réacteur de 1000 MW, donc avec un maximum à 8,77 TWh, et donc que son facteur de charge est de 9/8,77 soit 103%.
Selon le mode de calcul considéré, un même réacteur produisant la même quantité d’énergie sera donc tantôt déclaré avec un facteur de charge de 93%, tantôt avec un facteur de 103%. Le facteur de charge est donc un mauvais outil pour comparer plusieurs pays entre eux. Je ne vais donc pas détailler ce classement.
En 2019, le top 10 des meilleurs facteurs de charge est occupé par des réacteurs russes (au nombre de 4), américains (5) et japonais (1), avec des facteurs de charge entre 103,2% à 106,6%. Applaudissons la présence d’un réacteur japonais, Takahama 3, parce que l’industrie nucléaire japonaise revient de loin.
Ensuite, le classement qui fait pleurer…
Plus grosses productions entre la mise en service et 2019
Dans ce classement des réacteurs qui ont produit le plus d’électricité depuis leur mise en service et jusqu’en 2019, le top 10 est partagé entre seulement deux pays.
Pour vous donner quelques ordres de grandeur au préalable : la consommation française d’électricité est d’environ 550 TWh (térawattheures, soit 550 milliards de kilowattheures) par an. Dont un peu moins de 400 sont couverts par le nucléaire.
Un EPR qui fonctionnerait avec un facteur de charge de 100% délivrerait, lui, 14 TWh par an.
À la 10è place du classement, le réacteur 2 de la centrale américaine de Palo Verde. Puissance nette à la conception de 1304 MWe, boostée à 1314 MWe depuis. 309,3 TWh produits depuis sa mise en service. Cette centrale, munie de trois réacteurs, fonctionne en plein désert, sans cours d’eau, exposée à des températures dignes de l’Arizona. Pour son refroidissement, 3×3 tours aéroréfrigérantes (trois par réacteur) à tirage mécanique, pour limiter le besoin d’eau. Et le restant d’eau nécessaire, il est importé sur plusieurs dizaines de km du réseau d’eaux usées de la ville voisine de Phoenix, et traité dans une station d’épuration et d’immenssissimes bassins à ciel ouvert. Comme quoi, la chaleur, on s’y adapte – ça, c’est pour tous ceux dont le discours, aujourd’hui, est que le nucléaire est inadapté à un monde qui se réchauffe.
À la 9è place, le réacteur Callaway 1, USA, 1215 MWe (1117 MWe à la conception). 312,7 TWh produits.
À la 8è place, on change de pays pour l’Allemagne. Gundremmingen C est un Réacteur à Eau Bouillante (REB) de 1288 MWe (1249 à la conception). Si vous avez bien lu jusqu’à présent, vous aurez déduit que l’Allemagne, le pays qui incarne dans le monde entier le rejet / la peur / la haine de l’énergie nucléaire possède 5 des 10 réacteurs qui ont produit le plus d’énergie dans le monde, depuis leur conception, et jusqu’à fin 2019. 314,6 TWh pour celui-ci. Ensuite :
- Grand Gulf 1, USA, 315,4 TWh
- Emsland, Allemagne, 326,6 TWh
- Brokdorf, Allemagne, 332,0 TWh
- Isar 2, Allemagne, 332,7 TWh
- Peach Bottom 3, USA, 338,8 TWh
- Peach Bottom 2, USA, 342,4 TWh
Et le champion du monde à fin 2019 est encore un réacteur teuton. Il s’agit de l’unique réacteur de la centrale de Grohnde, un REP de 1360 MWe (1289 MWe à la conception) qui, depuis 1984, a produit 357 TWh d’électricité environ 50 fois moins carbonée que la moyenne de son pays hôte.
La sortie du nucléaire en Allemagne est un immense gâchis à plus d’un titre…
Plus grosses productions en 2019
Cette fois-ci, nous ne nous intéressons pas aux productions entre la mise en service et fin 2019, mais les productions de chaque réacteur pour l’année 2019 seule. Et l’on repart sur un top 10.
10è place
Avec 11,0 TWh produits et un facteur de charge de 89,5%, le réacteur Suédois d’Oskarshamm 3. Un REB de 1050 MWe à la conception, dopé depuis à 1400 MWe.
9è place
Avec 11,0 TWh également et un facteur de charge de 98,3%, le réacteur américain de Nine Mile Point 2. Un REB à nouveau, de 1100 MWe à l’origine et 1277 MWe aujourd’hui. La centrale de Nine Mile Point était à une époque pressentie pour accueillir un EPR américanisé, du temps où l’on rêvait d’exporter l’EPR partout.
8è place
Toujours à 11,0 TWh et avec un facteur de charge de 89,9%, le réacteur américain de Grand Gulf 1, un REB de conception plus moderne que le précédent. Initialement conçu pour 1250 MWe, il affiche 1401 MWe aujourd’hui. Il est le plus puissant réacteur aux États-Unis.
7è place
On monte à 11,1 TWh de production et 100,8% de charge pour le réacteur de Susquehanna Steam Electric Station 1. Encore un REB, le plus ancien modèle sur les trois derniers. 1065 MWe à la conception, 1257 MWe aujourd’hui. Probablement le réacteur au nom le plus long !
6è place
Cocorico ! C’est le réacteur de Chooz B1 en France qui prend la 6è place. Un Réacteur à Eau Pressurisée (REP) de 1455 MWe à la conception, 1500 MWe aujourd’hui, c’est le 3è plus puissant au monde, ex-aequo avec son jumeau Chooz B2. Il a produit 11,1 TWh en 2019, avec un facteur de charge de 84,7%.
5è place
11,4 TWh à un facteur de charge de 99,3% pour Palo Verde 2, aux USA, que je n’ai pas besoin de présenter une seconde fois.
4è place
11,5 TWh à 102,7% de charge pour South Texas Project 1, un REP américain de 1250 MWe légèrement boosté à 1280 MWe. Pas de tours de refroidissement ni d’eaux usées pour celui-ci, mais un grand lac de refroidissement de 2800 Ha.
3è place
À la troisième place, on retrouve le REP de Peach Bottom 2, qui est déjà au deuxième rang des plus grosses productions sur toute sa vie. 1065 MWe de base, boosté à 1300 MWe. En 2019, avec un facteur de charge de 101,3%, il a produit 11,5 TWh.
2è place
La médaille d’argent revient à un réacteur français, Civaux 1. 1450 MWe par conception, 1495 MWe aujourd’hui. Un facteur de charge exceptionnel (pour un réacteur français) de 88,6% en 2019 qui lui a permis de délivrer 11,6 TWh. Les deux réacteurs de Civaux occupent à égalité la 5è place des plus puissants réacteurs du monde, juste derrière les deux de Chooz mentionnés précédemment.
Champion du monde 2019
Ça faisait très longtemps que j’avais enfin de faire ce thread. Depuis début janvier 2019 en fait, j’attendais juste d’avoir les infos. Mais une fois qu’on les a eues, j’ai trépigné d’impatience en découvrant que le réacteur nucléaire qui a le plus produit d’électricité en 2019 est… Un EPR !
Taishan 1, ses 1660 MWe (premier rang mondial, à égalité avec son réacteur jumeau Taishan 2) et son facteur de charge de 82,2% a produit 12,0 TWh d’électricité pour le réseau chinois en 2019.
What’else ?
[…] Bilan 2019 du nucléaire mondial […]
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