Rejets radioactifs de l’usine Orano la Hague

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Était une réaction à tweet de Reporterre relayant un article relativement médiocre, mais l’énoncé du tweet était particulièrement accrocheur :

L’usine de La Hague est autorisée à rejeter 20 000 fois plus de gaz rares radioactifs et plus de 500 fois la quantité de tritium liquide qu’un seul des réacteurs de Flamanville situés à 15 km de là.

Terrifiant, n’est-il pas ? Les antinucléaires (en particulier la CRIIRAD) sont de grands utilisateurs du « fois la normale » comme unité de mesure de la radioactivité, ou comme prétendue unité de mesure du risque. Ici, c’est le « fois plus qu’un réacteur de Flamanville ». Toujours plus d’exotisme, à quand le système impérial ?

Plus sérieusement, nonobstant l’à-peu-près-science de Reporterre, est-il vrai que l’usine rejette des gaz et du tritium radioactifs en quantités énormes ?

Et bien… Oui et non. Oui, en termes de quantité de radioactivité, ce sont des grands nombres ; non, en termes d’impact sanitaire. C’est parti.

L’étude d’impact

Toute installation nucléaire de base (INB), et probablement aussi d’autres installations industrielles, se doit de produire une étude de son impact (sanitaire, environnemental…) avant sa création, et de la mettre à jour lors de ses grandes évolutions.

Les études d’impact sont publiques, mais délicates à trouver sur le net (c’est en préfecture, il me semble, qu’elles sont accessibles). Toutefois, j’ai mis la main sur une étude d’impact de l’usine Orano la Hague datée de 2017 ou 2018, toute fraîche donc.

Il faut savoir que pour les études d’impact, concernant l’impact sanitaire, on considère une « population de référence » qui est considérée comme la plus à risque. Dans le cas de l’usine, on a deux populations de référence, parce que les rejets sont par deux voies différentes.
En gros, pour les rejets gazeux, la pop de référence est une famille d’agriculteurs qui vivrait sous les vents dominants depuis l’usine, et consommerait énormément de vivres cultivées sur ses propres terres.
Pour les rejets liquides, la pop de référence est la famille de marins qui vivrait en aval des courants dominants depuis la conduite de rejets en mer, et consommerait beaucoup de produits de la pêche.

Impact des rejets

Je rédigerai un autre article expliquant la façon dont l’impact est calculé. Ici, j’en viens directement au résultat.

Pour chacune de nos populations de référence, on étudie l’ensemble des radionucléides rejetés par voie gazeuse et liquide par l’usine en fonctionnement normal (on ne parle pas d’accident ici), leur mode de propagation et d’exposition des populations, la dose qui en résulte (que ce soit par irradiation externe ou interne), et l’on peut ensuite en tirer une dose annuelle reçue par la population.

Concernant les gaz rares radioactifs, qui sont quasi-exclusivement constitués de Krypton 85, c’est très logiquement par voie gazeuse, et presque exclusivement celle-ci, qu’ils sont rejetés. Aux cheminées de l’usine, qui culminent à 100 m au-dessus du sol. Quant au tritium (ou hydrogène 3), si une petite fraction est rejetée sous forme gazeuse, la très large majorité l’est sous forme liquide, par la conduite de rejets en mer de l’usine.

La population la plus concernée par les gaz rares est donc celle d’agriculteurs, et la plus concernée par le tritium est celle de pêcheurs.

L’ensemble des rejets gazeux, c’est sur le nourrisson de la famille d’agriculteurs qu’ils sont les plus impactants.
Ils exercent une dose moyenne de 19 000 nSv/an (nanosievert par an), dont environ les deux tiers à cause des gaz rares radioactifs.

L’ensemble des rejets liquides, c’est sur l’enfant de la famille de pêcheurs (on ne considère pas le nourrisson dans ce cas là, qui ne se nourrira guère de produits de la pêche et notamment de fruits de mer). Ici, on parle de 7000 nSv/an, dont moins de 0,5% à cause du tritium.

Ces valeurs sont établies avec des marges importantes. Non seulement à chaque étape du calcul, mais également à la source : les doses que je présente ici sont les doses en supposant que l’usine rejette tous ses radionucléides au maximum de ce qui lui est permis. Ce ne sont pas les rejets réels, mais les rejets maximaux autorisés.

Comparaison à des valeurs de référence

Dans le même temps, la dose reçue par un habitant de Cherbourg, à 20 km de là, simplement par exposition externe, au moment où j’écris ces lignes, elle est de 70 nSv/h. 600 000 nSv/an.

Dans les autres grandes villes du nord-ouest, les valeurs sont du même ordre de grandeur : 65 nSv/h à Rouen, 70 nSv/h à Rennes. À Brest, on est 40% plus haut, à 850 000 nSv/an. Sous la Tour Eiffel, on serait plus bas, à seulement 400 000 nSv/an.

Ces valeurs, et celles dans des tas d’autres villes de France, à proximité ou non d’INB, vous pouvez les retrouver sur le site du réseau Téléray de l’IRSN, ou même sur l’application mobile Téléray.

Bref : l’impact radiologique que dénonce Reporterre est, avec de la marge, minime devant la radioactivité naturelle (davantage encore pour le tritium que les gaz rares radioactifs).

Pis : il est négligeable devant les variations de radioactivité naturelle d’une région à l’autre !


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