Comment irradient les radiations ?

Ce billet est issu d’un thread publié sur Twitter, que vous pouvez trouver, avec davantage d’illustrations que je dirais… Métaphoriques, à ce lien ou ci-dessous.

Entre temps est sortie cette excellente vidéo sur la chaîne Youtube « Le Réveilleur » qui explique le phénomène de radioactivité. Je vous en conseille vivement le visionnage dès à présent.

Et, si elle n’est pas encore sortie au moment où j’écris ces lignes, est prévue ensuite une vidéo sur les effets sanitaires de l’exposition à la radioactivité, tenez vous informés 😉

À l’origine de ce thread, des propos que j’avais lus il y a quelques temps : une personne avait peur que les rayonnements qui sortiraient de Cigéo irradient tout le monde aux alentours.
Et là, j’ai bien du admettre que la radioactivité est un concept pour certains fort obscur.

La radioactivité, c’est le phénomène de transformation d’un atome instable en un autre atome, stable ou non. Cette transformation s’accompagne, pour des raisons de conservation de la masse et de l’énergie (rien ne se perd, rien ne se créé, tout ça tout ça ) d’une émission d’une particule.

Une particule de matière, et, parfois aussi, d’un photon (une onde électromagnétique, comme le sont la lumière, les micro-ondes…) très haut en énergie : on parle là de rayons X (parfois) ou γ (lire gamma).

Il y a aussi des cas où des atomes « excités » (hauts en énergie) se désexcitent en émettant juste un photon γ .
On parle aussi de radioactivité, même s’il n’y a pas de changement de l’atome en un autre.

D’ailleurs, on est d’accord sur le fait que photon γ, rayon γ, même affaire ? Dualité onde/corpuscule, ça va ? Au cas où :

Du coup, la radioactivité, ce sont des atomes radioactifs, donc de la matière, qui émet des rayonnements ou des particules.

On a bien deux acteurs en jeu, c’est bon ?
L’émetteur (l’atome radioactif) et l’émission (les particules ou rayons). Bien avoir ça en tête.

Bon, et le souci de la radioactivité, c’est que les particules/ondes émises ont tendance à causer des lésions aux tissus organiques en cas de très forte exposition et, à des niveaux moindres, engendrer des mutations qui peuvent, dans certains cas, aboutir au développement de cancers.

Dans des cas d’expositions intenses, on ne parle non plus de possibilité de conduire à un cancer (effet stochastique) mais de dommages immédiats : brûlures d’abord, et autres joyeusetés plus ou moins affreuses ensuite (effet déterministe).

On reviendra sur les conséquences. Revenons d’abord sur le phénomène : la radioactivité émet des photons γ, certes, et… Des particules de matière ?

Yep. De trois types.

La radioactivité α (alpha), pour commencer : ce qui est émis, c’est un noyau d’atome d’hélium : un amas de deux neutrons, deux protons. 

C’est de la grosse particule, très massive, donc capable de causer des dommages considérables aux tissus humains.
La contrepartie, c’est que la particule étant grosse et chargée électriquement (deux protons → deux charges positives), elle est très facile à arrêter. Une feuille de papier la stoppe net. Les peaux mortes de l’épiderme, idem. Sans dommage.

Là où la radioactivité α devient problématique, c’est si elle est émise directement à l’intérieur du corps. Il faut donc avoir ingéré ou inhalé des particules qui émettent des rayonnements α, d’où l’importance de bien différencier émetteur/émission.

En cas d’absorption de particules radioactives, on parle alors de contamination interne.
Terriblement nocive avec les émetteurs α, alors que l’exposition externe (le fait de recevoir seulement des rayonnements depuis l’extérieur) est à peu près inoffensive.
Nuançons : les α, même en externe, ça peut être dangereux en cas d’exposition prolongée. Par exemple des dépôts de poussière radioactive sur la peau, sur les mains, etc. Mais si, comme la plupart des gens, vous vous lavez, l’exposition ne sera pas très prolongée.
Dans ce cas, on parle de contamination externe.

Là où ça devient drôle (non), c’est si vous portez des bijoux contenant des émetteurs α. L’uranium et le thorium, par exemple, sont des métaux que l’on trouve dans des minéraux naturels et sont, ça tombe bien, des émetteurs α !
Alors la vente de bijoux en contenant est censée être interdite, hein.
Mais avec internet… Bon.

Méfiez vous des « l’énergie des pierres ». Rappelez vous que naturel n’est pas synonyme de sain 😉

Bref, après cette parenthèse,, revenons à nos rayons.
Après les rayons α, X et γ, parlons des β- (prononcer « beta moins »). Ceux-là émettent des particules de petite taille : des électrons.
Plus pénétrants, du coup, que les rayons α, mais toujours chargés électriquement, donc facile à arrêter par quelque chose sensible aux charges électriques.
L’exemple type, c’est la feuille d’aluminium, qui arrête net un flux de particules β-.

Vous l’aurez deviné, s’il y a des β-, c’est qu’il y a vraisemblablement aussi des β+. Les émetteurs β+ sont rares, mais ils existent, et émettent des posit(r)ons, l’antiparticule de l’électron. Même masse, charge opposée. Et extrêmement simple à arrêté : la rencontre d’un positron et d’un électron (et ces derniers sont plus qu’abondant dans la matière) conduit à l’annihilation des deux. Donc le pouvoir pénétrant des β+ est quasiment nul… Mais au cours de l’annihilation sont émis des photons γ.

Ainsi, pour ce qui est des émetteurs α et β, pour peu qu’ils soient confinés, ils sont inoffensifs puisque ce qui confinera la matière, que ce soit une cuve, un conteneur, une gaine… Arrêtera aussi les rayonnements. Doublé gagnant.

Et l’on y revient alors aux rayons γ.
En général, ils accompagnent la décroissance des atomes radioactifs, hein, ils sont assez rarement le fruit d’une annihilation, quand on parle de radioactivité dans l’industrie nucléaire (c’est différent pour le médical).

Ce sont des photons. Donc en terme de taille ou masse, c’est nada.
Et ce sont des particules neutres électriquement. Donc là, pour les arrêter… Ben ça se complique.
La bonne nouvelle, c’est que si on peine à les arrêter avec de la matière, on peine aussi à les arrêter avec notre organisme, ils nous traversent donc en partie sans causer de dommage.

Mais le corollaire est que l’on y est sensible non seulement en cas de contamination mais aussi d’exposition externe.

Donc en général, pour atténuer (et non plus stopper) un flux de rayons γ, ce ne sont pas des feuilles de papier ou d’aluminium que l’on va solliciter, mais des centimètres de plomb, des décimètres de béton lourd, ou des mètres d’eau. C’est un poil plus galère, surtout pour équiper une personne.

Et la transition est toute trouvée pour embrayer sur la radioprotection : pour se protéger des rayonnements, dans le nucléaire, on a trois leviers.

L’un d’entre eux, ce sont les écrans, ce qu’on intercale entre l’émetteur et nous. Comme le plomb ou le béton que je mentionnais.

Un autre levier est… La distance. Et oui : plus on est loin de la source, plus l’intensité de ce qu’on recevra sera faible. D’une part à cause de l’absorption par le milieu ambiant, mais, surtout, à cause de la dispersion des rayonnements.
Pour la même raison que Mercure est davantage exposée aux rayonnements solaires que ne l’est la Terre.

Et le troisième levier… Le temps. Moins on s’expose longtemps, mieux c’est. Basique, simple, évident.

Ces trois leviers visent à respecter les trois grands principes de radioprotection. Ces derniers sont des piliers à garder en tête lors de toute possible exposition à des substances radioactives ou des radiations. 

Dans l’industrie, nucléaire ou non, mais aussi dans l’aviation, ou la médecine !

Le premier est la justification.

On n’expose pas d’individus sans justifier du bien-fondé de cette exposition. Impératif sanitaire, économique incontournable, etc. 
Si une exposition est évitable, elle est évitée.
Faire une radiographie de sa main juste pour reproduire celle d’Anna Röntgen, pour la beauté de l’Histoire, ce serait un viol de ce principe de justification.

Bien entendu, les cas litigieux abondent, ne serait-ce que l’aviation commerciale :
Stricto sensu, prendre l’avion et s’exposer aux rayonnements cosmiques alors que l’on pourrait prendre le train, c’est déjà litigieux vis-à-vis de ce principe. Donc la justification est à étudier avec de la jugeote, pas de manière dogmatique et infléchissable 😉
Et on illustre là une limite du principe de précaution, par ailleurs.

Deuxième principe de la radioprotection, la limitation.
Même si une exposition est justifiée, elle doit respecter certaines limites. En France, en 2019, pour les doses au corps entier :

  • 1 mSv d’exposition artificielle non-médicale pour le public.
  • 6 mSv pour les travailleurs du nucléaire (et autres) catégorisés B.
  • 20 mSv pour la catégorie A. 

Le tout, calculé à chaque fois sur une année glissante.
Pour vous donner des références d’ordres de grandeur, tout de même, l’exposition moyenne des français à la radioactivité, toutes origines confondues, est de 4,5 mSv/an, avec une énorme variabilité, comme le présente l’IRSN :

Et la valeur à laquelle on sait que le risque de cancer est accru (en-dessous, on ne sait pas trop, ça ne veut pas dire que le risque existe ou non), c’est 100 mSv.

Les dommages déterministes, ils se manifestent à l’approche de 1000 mSv.
Ah, oui, et ça se lit « millisieverts », au fait 😅

C’est la mesure de la dose de radioactivité, qui intègre le type de rayonnement, le mode d’exposition, mais aussi des paramètres biochimiques.

Et le troisième principe de la radioprotection, c’est l’optimisation.

Si l’on a justifié l’exposition, qu’on respecte les limites légales, on doit quand même montrer que l’on fait au mieux pour réduire l’exposition, dans la mesure du raisonnable.

On parle de mettre en œuvre une démarche ALARA : « As Low As Reasonably Achievable ».

On envisage différents moyens de réduire l’exposition en atténuant la quantité de radiations émises, ou en jouant sur les paramètres temps, distance, et écran, pour optimiser la dose reçue.

Et avec ce principe qui impose d’aller au-delà du minimum légal, je vois, personnellement, un bon exemple du concept de « défense en profondeur » structurant la sûreté nucléaire, dont la radioprotection est une facette.

Maintenant, vous connaissez les différents types de radiations, les différentes façon d’y être exposé, et de s’en protéger.

Et vous avez les billes pour comprendre que les radiations émises dans les sites nucléaires (centrales, usines, stockage…) ne peuvent pas vous atteindre si vous ne vous baladez pas dans les zones à risque de l’installation nucléaire.

En revanche, le véritable risque est la dispersion dans votre environnement de substances radioactives, qui vous conduirait à une exposition externe aux dépôts au sol ou aux radiations émises par des particules dans l’air ou l’eau, un contamination externe par les dépôts de retombées sur votre peau et surtout à une contamination interne par inhalation de radioéléments ou ingestion de produits contaminés.

Et c’est là le plus gros enjeux de la sûreté nucléaire.

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