Cycle #2 Extraction minière de la ressource uranium

Retrouvez le thread initial ici.

Exploitation de la ressource minière

On ne va pas remonter l’amont jusqu’à la formation de l’uranium dans les cœurs d’étoiles super massives qui s’effondrent (même si ce serait stylé), et partir plus modestement de la mine.

Rien d’exceptionnel à raconter cependant sur l’extraction minière de l’uranium…
Ce dernier un est métal qui forme divers composés minéraux, qu’on exploite dans des gisements où il représente en général quelques dixièmes de pourcents de la matière, quelques pourcents au max.

Il n’est guère plus nocif que d’autres métaux lourds, présents dans d’autres industries minières. Par contre, un de ses descendants (par décroissance radioactive) bien connus, le radon peut être dangereux.
C’est un gaz extrêmement radiotoxique qui peut s’accumuler dans l’air confiné(y compris dans des caves mal ventilées en régions granitiques…). Donc l’extraction souterraine d’uranium nécessite un soin particulier sur la ventilation.

À part ça, c’est une industrie minière relativement classique.

Les exploitations souterraines en galeries sont assez rares, en général ce sont des exploitations en « open pit », comme là en Australie.

Une alternative est la lixiviation in situ. Ça consiste à injecter dans le sol une solution dans laquelle l’uranium est soluble, le laisser se dissoudre dedans et récupérer le jus. 

Impacts environnementaux

La lixiviation dévaste moins le décor, mais du fait des produits injectés, on paye par une bonne pollution chimique en contrepartie 😕
Côté open pit, la pollution vient du fait que l’uranium représente quelques pourcents (quelques dizaines de pourcents max) de la roche excavée, donc on doit, avant de le commercialiser, le concentrer par des procédés chimiques assez lourds et potentiellement polluants.

Résultat, quand on regarde l’ensemble du cycle français du combustible, on voit que la mine à elle seule va être la source d’environ :

  • un tiers des émissions de gaz à effet de serre ;
  • 90% des émissions d’oxydes de soufre (SOx) ;
  • 75% des émissions d’oxydes d’azote (NOx) ;
  • 90% de la pollution d’eaux ;
  • 70% de l’occupation des sols.

Attention ce sont des pourcentages de l’impact du minage d’uranium par rapport à tout le cycle du combustible.
Allez pas me faire dire que 90% de la pollution des eaux dans le monde c’est l’uranium, hein ^^ ! Il faut comprendre que 90% de la pollution de l’eau par le nucléaire français est imputable à l’extraction de l’uranium.

Les producteurs

Côté producteurs, en France c’est fini depuis 2001. Les principaux gisements, aujourd’hui, sont en Australie, au Kazakhstan, au Canada, en Namibie, en Russie, en Mongolie, en Ouzbékistan, au Niger.
Les trois premiers étant les trois plus gros producteurs.

On notera une assez bonne répartition sur différents continents…
Et on notera que l’Europe se fait bizuter. 
Bon. Tant pis 🙄

Nature et propriétés radiologiques

À la sortie de la mine, après concentration, l’uranium est paré pour la commercialisation. Sous forme de « yellowcake » (une poudre épaisse jaune), ou d’octaoxyde de triuranium qu’on va gentiment appeler
U3O8, qui se présente sous la forme d’une poudre grise.

Parlons un peu de radioactivité.
L’uranium naturel est composé de 3 isotopes, tous radioactifs.

Le premier d’entre eux est l’uranium 238, ou 238U. Parfois, on contracte son appellation en U8. Il représente 99,3% de l’uranium naturel ; sa demi-vie s’élève à environ 4,5 milliards d’années, et il rayonne à raison de 12 000 Bq (Becquerel) par gramme.

Le second est l’uranium 235 (ou 235U, ou U5), qui représente les 0,7% restants. Sa demi-vie est de « seulement » 700 millions d’années, et il rayonne à raison de 80 000 Bq par gramme.

Et celui que l’on oublie toujours : l’uranium 234, le descendant de l’uranium 238. Il y a de quoi l’oublier : il représente 0,0056% de l’uranium naturel, car il ne reste pas présent très longtemps après sa formation, avec sa demi-vie de 245 000 ans.

Toutefois, en termes de radioactivité, il pèse lourd : 230 000 000 Bq par gramme ! Et, finalement, dans un échantillon d’uranium naturel, on se retrouve avec la moitié de la radioactivité qui provient des 0,0056% d’uranium 234. L’autre moitié, c’est l’uranium 238. Et entre deux se glisse l’uranium 235, qui contribue à 2% à la radioactivité de l’uranium naturel.

Et tous ces Becquerel, c’est beaucoup ?

Toxicité de l’uranium

Et bien… pas franchement. C’est un émetteur alpha, donc assez inoffensif en exposition externe. C’est en contamination interne que ça se gâte.

Rappel de ces notions 👩‍🎓.

Toutefois, même si c’est un émetteur α, si vous avez de l’uranium dans l’organisme, c’est pas la radioactivité, le problème.
Sa toxicité chimique est prépondérante sur sa radiotoxicité. Et ce, même si on l’enrichit, d’ailleurs (enfin, à plus de 6%, ce qui ne se pratique pas dans le civil, ça s’inverse en raison de la montée de la teneur en uranium 234).

Donc c’est une saloperie ultra toxique, comparable au plomb, hein. À manipuler avec grand soin… Mais on est dans le cadre de l’industrie chimique, pas nucléaire.

Et on va rentrer dans les chiffres du cycle du nucléaire français.

L’uranium en chiffres

Alors j’ai tenté d’avoir des chiffres à jour et très précis, mais je me suis heurté à des difficultés : ils changent sensiblement d’une année sur l’autre, et considérablement d’une demi-décennie à l’autre.

Les variations d’un an à l’autre, c’est lié surtout à la production des centrales et autres usines du cycle ; par contre, à plus longue échéance, ce sont des questions de changements de stratégie industrielle.

Du coup, je me suis arrête sur des chiffres représentatifs de l’ensemble du parc en 2015.
J’ai vérifié, entre 2015 et 2016, ça change à peine, et on a pas de données plus récentes, donc c’est ce que je peux proposer de mieux 🙂

Et on part donc sur une production du parc nucléaire généreuse de 420 TWh/an, laquelle requiert l’importation de 7000 tML (tonnes de métal lourd) d’uranium naturel. Voilà notre flux d’entrée du cycle du combustible nucléaire : 7000 tonnes de la mine à la France.

Et après un périple intercontinental, c’est à l’usine Orano (ex-AREVA) de Malvési qu’arrive cette matière, pour la première étape de conversion.

Et la conversion, ça sera le billet suivant =)

Cycle #1 Terminologie, vocabulaire, définitions, unités…

Retrouvez le thread initial ici.

On va s’échauffer avec quelques définitions toutes bêtes mais qu’il faut vraiment avoir en tête pour bien se comprendre. Qui serviront, de plus, lorsque l’on causera déchets.

Matières et déchets radioactifs

Assimiler et faire la différence entre matière et déchet radioactif, c’est capital.
Je ne vais pas vous expliquer « radioactif », hein 😊 !
Mais il faut savoir que ce qu’on appelle matière, ce sont les substances radioactives dont on prévoit ou envisage un usage futur. Tout ce qui est uranium, plutonium, notamment, c’est soit utilisable aujourd’hui, soit dans le futur, moyennant des technologies que l’on connait mais que l’on n’a pas mises en œuvre.

C’est important, parce que les écologistes dénoncent souvent l’« oubli » de l’uranium appauvri, par exemple, quand on parle de déchets. Mais dans la mesure où l’on peut le recycler en partie, éventuellement le ré-enrichir, et, moyennant surgénération, le réutiliser intégralement…
➡️ Matière, pas déchets.

Au contraire, pour ce qui est des « déchets », aucune réutilisation n’est prévue ni envisagée. On peut éventuellement leur appliquer des traitements (purification, conditionnement…) après quoi on parle de « déchets ultimes ». Mais dans le vocabulaire nucléaire, on ne parle pas de « recycler les déchets », c’est totalement oxymorique ! Parce que les déchets, c’est, par définition, ce dont on ne peut plus rien tirer d’utile.

Surgénération

Mentionnée juste au-dessus, c’est une pratique qui permettrait de recycler intégralement les matières nucléaires comme l’uranium et le plutonium. Ça sera le sujet du dernier article de cette série (mais le thread est disponible en avant-première 😜), mais on en a déjà eu une mise en bouche sur ce blog.

Entreposage et stockage des déchets

C’est très simple. Dans le nucléaire, un « entreposage », c’est temporaire. Un « stockage », c’est définitif. L’entreposage, c’est votre poubelle, c’est la benne à ordure dans la rue ; le stockage, c’est la décharge, ou le dépôt des cendres de l’incinérateur.

Corollaire : les piscines de stockage n’existent pas. Aucune piscine n’a vocation à être un exutoire définitif pour les déchets, ce sont des piscines d’entreposage. D’ailleurs, à quelques détails près, ce qu’elles contiennent ne sont même pas des déchets, mais du combustible usé – on y reviendra.

Autre corollaire : Cigéo n’est pas temporaire. Cigéo est un site de stockage géologique. Il est prévu que ce soit l’exutoire définitif des déchets que l’on y mettra !

Le cycle du combustible

Ben oui, à parler de déchets, on en oublie le sujet : le cycle du combustible. Keskecé.

Alors déjà, on va jouer franc jeu : on se fait un peu des illusions en parlant de cycle. Des fois, on parle même de « cycle ouvert ». Ça pique un peu, et ça a de petits airs de greenwashing.
Mais bon, on parle bien de « combustible nucléaire » alors qu’il n’y a pas la moindre combustion en jeu… Les définitions, dans le nucléaire, sont rigoureuses, mais pour la logique, on peut en rediscuter.
D’ailleurs, vous vous souvenez de l’acronyme « REL » choisi pour parler des Réacteurs à Eau Légère, par opposition aux réacteurs à eau lourde ? >.<

Revenons à notre cycle.

Le cycle décrit l’ensemble des opérations que subit le « combustible » nucléaire, de la matière première jusqu’à sa gestion comme déchets, en gros.

On a donc une trajectoire d’un point A, la mine, vers un point B, le déchet, en passant par tout un tas d’étapes. Voilà le cycle. Vous admirerez la linéarité de ce cycle, donc x) 

L’explication du terme, c’est que sur un flux d’entrée de 100 tonnes de matière première, y’a environ 1,5 tonnes qui font deux fois un certain nombre d’étapes. Donc elles forment un cycle.

Et, historiquement, on ambitionnait de faire réaliser au moins un, voire plusieurs cycles, à une large partie de ce flux de matière, grâce à la surgénération.
Donc le terme de « cycle » était logique dans ce contexte.
Il l’est un peu moins aujourd’hui, mais il le redeviendra !

(J’espère)

La tonne de métal lourd

Je vais balancer pas mal de chiffres sur les flux de matières au travers du cycle, et il faut se mettre d’accord sur l’unité… On va parler en « tonnes de métal lourd ».

Notre problème, c’est que la matière nucléaire, elle change de forme chimique au cours de son cycle. Par exemple, elle est transportée sous forme d’U3O8 (octaoxyde de triuranium) mais en réacteur, elle est sous forme d’UO2 (dioxyde d’uranium).
Et la conséquence, c’est que pour une même quantité d’atomes d’uranium, on n’a pas la même masse d’U3O8 que d’UO2 ! Ou que d’UF4, d’UF6…

Du coup, la convention, c’est de ne compter QUE les noyaux d’uranium.

Comme si, à la pesée, on convertissait tout sous la forme d’un bloc d’uranium pur, métallique (formule chimique : U, c’est tout), qu’on pesait, et qu’après la pesée seulement, on transformait ça en U3O8 ou autre.

Et vu qu’on fait pareil pour le plutonium (et éventuellement le thorium) qui, comme l’uranium, est un noyau lourd qu’on « imagine » sous la forme d’un métal…

On appelle ça des « tonnes de métal lourd », abrégé tML.

Des fois, on parle même de « tonnes de métal lourd initial » (tMLi).
Parce que, lorsque l’on récupère les produits de fission, on sait qu’ils viennent initialement de noyaux lourds.
Par exemple, si vous avez 100 tML d’uranium initialement, dont vous fissionnez un quart… Vous finissez avec 75 tML d’uranium, et un reste de produits de fission qu’on ne sait pas comment compter.
Et bien on compte, dans ce cas leur masse avant fission : 25 tonnes de métal lourd initial.

Contexte

J’ai, avant d’entrer dans le vif du sujet, deux remarques préalable à faire.

Premièrement, je vais me placer dans le cas très particulier de la France. Retraitement et recyclage, en particulier, ne sont pas du tout la norme dans le reste du monde, mais sont d’énormes aspects du nucléaire en France.

Deuxièmement, je dois bien l’avouer, je vais surtout détailler ce qu’on appelle « l’aval » du cycle, l’après-réacteur.
Parce que tout ce qui se passe avant enrichissement, c’est l’uranium naturel, c’est surtout de l’industrie chimique, pas vraiment de l’industrie nucléaire. Et ça m’intéresse moins, tout simplement, et donc je ne connais que peu !

Cycle du combustible #Sommaire

Nous entamons sur ce blog toute une série dédiée à ce que l’on appelle le « Cycle du combustible nucléaire ».

Une fois n’est pas coutume, celle-ci fut initiée sur Twitter, introduite des sages mots suivants :

J’ai pas énormément de temps devant moi, donc on va peut-être le faire en plusieurs fois.

Ce fut peu de le dire, cette série commencée le 8 octobre 2018 s’acheva le 21 décembre, après 8 threads et je n’ose compter combien de tweets.

Voici qu’arrive l’heure de la transférer sur ce blog. Et, à l’instar de la série #AntinucléairesVSClimat, afin de ne pas envahir la page d’accueil, ce billet-ci servira de sous-sommaire dédié à cette série.

Au programme :

  • Terminologie, vocabulaire, définitions, unités…
  • Extraction minière de la ressource uranium
  • Conversion et enrichissement de l’uranium
  • Fabrication du combustible
  • Passage en réacteur (irradiation du combustible)
  • Transport et traitement du combustible usé
  • Recyclage : MOx, URT, URE
  • Une perspective d’évolution à long terme du cycle

Allons-y gaiement !

#1
Terminologie, vocabulaire, définitions, unités…

#2
Extraction minière de la ressource uranium

#3
Conversion et enrichissement de l’uranium

#4
La fabrication du combustible

#5
Le passage en réacteur, ou l’irradiation du combustible

#6
Transport et traitement du combustible usé

#7
Recyclage, MOx, URT et URE

#8
Une perspective d’évolution à long terme

Intrusions malveillantes dans les installations nucléaires.

Nous allons parler des intrusions de petits hommes verts de Greenpeace et leurs associés dans nos centrales nucléaires.

Je vais commencer par un petit préambule… La protection des installations et des matières nucléaires (notamment celles à risque de prolifération) contre les actes malveillants, que l’on appelle tout simplement « protection physique », n’est pas une branche de la sûreté nucléaire. On parle là de sécurité nucléaire, et ce domaine n’est ni sous surveillance de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, ni soumis aux mêmes obligations de transparence que l’est la sûreté. Et pour cause : dans le cas de la lutte antiterroriste en particulier, l’information est une arme, et le secret fait partie des lignes de défense.

Ainsi, je ne vous offrirai ici d’exposé exhaustif sur la sécurité et ses démarches qui ne sont pas un domaine très connu du grand public, ni de moi-même d’ailleurs. Mais je présenterai simplement, brièvement, quelques concepts illustrant en quoi les opérations de communication de Greenpeace s’introduisant dans l’enceinte de centrales nucléaires… ne sont que des opérations de comm’.

Vous pouvez retrouver le thread initial ici.

Tel que mentionné ci-dessus, une centrale nucléaire couvre une vaste surface. D’une centaine d’hectares pour la centrale de Fessenheim (deux petits réacteurs très proches, sans tours aéroréfrigérantes) à plus de quatre cents hectares pour celle de Cattenom (quatre gros réacteurs amplement espacés et dotés chacun d’une énorme tour aéro).

Ainsi, il en résulte qu’il est quasiment impossible de cercler cette superficie d’un rempart infranchissable, sauf à mettre des vigies (voire des tourelles ?) qui tireraient sur tout individu identifié comme tentant de s’introduire.
On va être gentil et supposer que ce n’est pas là une revendication de Greenpeace, même si l’on peut s’interroger – c’est à débattre.

Il serait donc illusoire de faire de l’infranchissabilité de la clôture un élément déterminant de la protection physique. La protection physique ne peut pas et ne doit pas, et donc ne repose pas sur cela.

La clôture a pour fonctions de délimiter l’enceinte de la centrale, et de permettre la détection d’une intrusion tout en freinant celle-ci. Pas la stopper, on ne peut pas compter là-dessus, on ne compte pas dessus. Et le franchissement d’une clôture n’est donc pas une défaillance.

Or, les actions de Greenpeace se limitent à des franchissements. Ils prétendent mettre à l’épreuve l’impénétrabilité des centrales nucléaires, impénétrabilité qu’eux seuls prétendent. Leurs intrusions ont, jusqu’à preuve du contraire, toujours été détectées et interceptées, sans que jamais ne soit compromis l’intégrité des installations (et donc leur sûreté). Elles n’ont pas même conduit les opérateurs à commander l’arrêt du réacteur visé.

Autrement dit, leurs actions ne démontrent littéralement rien. Il n’y a pas d’alerte lancée, pas de démonstration de vulnérabilité, seulement un joli coup médiatique.
Et c’est même ce qu’ils vont parfois plaider devant les tribunaux !

« Jugez ces faits de grâce pour ce qu’ils sont : le franchissement d’une clôture et de deux grillages »

Me. Alexandre Faro, avocat de Greenpeace cité par La Croix.

Greenpeace incite ses militants à se mettre en danger, physiquement d’une part, et en s’exposant au risque de condamnations en justice d’autre part, pour les besoins de leur communication.

Deuxième tort, ils crient à tout va qu’ils sont des « lanceurs d’alerte ». Or, je considère – à titre personnel – que, de la sorte, ils nuisent au statut de lanceur d’alerte, le décrédibilisent en se l’appropriant pour ce genre d’action. Réalisez-vous qu’ils mettent ce genre d’action sur le même plan que divulguer des preuves de comportements litigieux d’une entreprise, d’un gouvernement, d’une organisation ? Imaginez-vous le tort si, demain, quelqu’un se mettant professionnellement ou personnellement en danger pour lancer une véritable alerte, preuve à l’appui, se voyait associer à ces petits hommes verts ?

Je pense qu’au-delà de la manipulation de l’opinion publique au travers de ces opérations médiatiques, on a là un problème grave.

Filières de réacteurs nucléaires

Après une longue série sur le rôle du nucléaire dans la cause climatique, on revient vers la technique du nucléaire. Saviez-vous qu’il existe différentes « familles » de réacteurs ? Une fois n’est pas coutume, ce billet est repris d’un thread que vous pouvez retrouver à ce lien ou ci-dessous :

Ces familles, on les appelle « filières » : PWR, BWR, GCR, PHWR, RBMK, MSR, FNR pour les sigles anglais, et, en français, on a REP, REB, UNGG, RNR, RSF…

L’objectif, va être que vous compreniez ce dont on parle quand on mentionne le « parc REP » ou les PWR.
Et, grossièrement, les différences avec les autres filières de réacteurs répandues dans le monde, et notamment les plus célèbres.

Du coup, ça ne sera ni un descriptif détaillé des REP, évidemment, ni une liste exhaustive des différentes filières.
Je veux juste vous donner les billes pour assimiler les différences majeures, et leurs implications. Pas de génération IV au programme, du coup, et même assez peu de Gen I. Et pas de concepts bizarres de laboratoire (Masurca, Harmonie, je ne vous oublie pas).

Harmonie, c’était un réacteur de recherche à neutrons rapides, à combustible uranium ultra enrichi, et refroidi… À l’air. 🤯
Ce genre de truc, là, on en parle pas.
Mais puisque l’on parle de neutrons rapides, on va commencer par quelques bases physiques.

Késako que des neutrons rapides ou lents ?
Et bien lorsqu’un noyau fissile, d’uranium par exemple, fissionne, il libère quelques neutrons (un peu plus de deux en moyenne), dont certains vont provoquer d’autres fissions, et ceatera.

C’est ce qu’on appelle la réaction en chaîne.
Souci, ces neutrons sont très excités, ce qui se traduit par une grande énergie cinétique, donc une grande vitesse. Plus de 13 000 km/s.
Et pour faire des fissions, il faut des neutrons plus lents.

Bon, des fissions avec des neutrons rapides, on en a, mais c’est compliqué. C’est pour ça que toutes les filières de réacteurs qui se sont développées à échelle industrielle à ce jour fonctionnent avec des neutrons ralentis, ou « neutrons thermiques ».
Pourquoi thermiques ? Tout simplement parce que leur énergie est comparable à l’énergie liée à l’agitation thermique du milieu. Typiquement, une vitesse abaissée à 2 km/s. Ouais, ça fait de bons freins.

Et comment on ralentit un neutron ? En le faisant percuter des noyaux d’atome. Un peu comme une bille de billard : à chaque choc, le neutron va perdre de la vitesse. S’il percute quelque chose de même masse que lui (une autre bille), il perd la moitié de sa vitesse, et cède l’autre moitié à l’autre bille. S’il percute quelque chose de beaucoup plus massif (une boule de bowling posée sur le billard ?), il ne va pas céder que peu de vitesse et donc peu ralentir. Donc l’idéal pour ralentir un neutron, c’est quelque chose de la même masse qu’un neutron.
Et bien ça se trouve facilement, c’est même on ne peut plus abondant dans l’univers : des noyaux d’hydrogène. Et comment manipuler simplement des noyaux d’hydrogène ? Avec de l’eau. Épaf, une grosse piscine et on a notre ralentisseur, qu’on appelle « modérateur », de neutrons.

L’image ci-dessus, c’est une vue plongeante sur le réacteur de recherche du CEA Osiris, un réacteur dit « piscine » : le cœur est juste plongé dans une grosse piscine, pas en cuve comme les réacteurs de puissance d’EDF.
Divergé en 1966, arrêté en 2015. 😥

Toute cette histoire de ralentissement est très importante, parce que le choix du « modérateur » est un des critères de différenciation des filières de réacteur.
Ci-dessous, une représentation de la probabilité, en ordonnée (ce n’est pas une probabilité, mais bien une représentation, hein), d’entraîner la fission d’un noyau d’uranium 235 en fonction de l’énergie, en abscisse, du neutron incident. 

On comprend qu’on cherche à ralentir 😉

Par contre, l’eau a un gros défaut… C’est que les noyaux d’hydrogène (d’oxygène aussi, mais moins) sont gourmands.
C’est à dire qu’ils ont la fâcheuse tendance à absorber les neutrons qui passent. Qui ne contribuent plus à la réaction en chaîne, du coup !
Donc si vous essayez d’entretenir une réaction en chaîne à l’uranium modéré avec de l’eau, vous n’allez pas réussir à produire assez de neutrons pour compenser les absorptions.
Et si trop de captures il y a, réaction en chaîne y’a pu. Flûte. 

C’est pour compenser ça qu’on enrichit l’uranium ! De 0,7% d’uranium 235 (fissile) dans l’uranium naturel, on passe à 3% ou plus, alors l’on a une production de neutrons suffisante pour compenser les absorptions par l’eau, et la réaction en chaîne devient possible.
Mais on n’a pas toujours su enrichir l’uranium !

Une alternative, c’est d’utiliser de l’eau dont les noyaux d’hydrogène ont DÉJÀ un neutron en trop. Parce qu’ils sont beaucoup moins susceptibles d’absorber un deuxième neutron s’ils en ont déjà un.
Et un atome d’hydrogène avec un neutron en plus, on appelle ça du deutérium.
Et une molécule d’eau avec deux atomes de deutérium au lieu d’hydrogène, c’est de l’eau lourde. Voilà le lien entre eau lourde et nucléaire : l’eau lourde permet à la fois de modérer les neutrons et de minimiser leurs absorptions.
À propos d’eau lourde, je partage ce passionnant récit sur une des phases de la bataille de l’eau lourde pendant la seconde guerre mondiale.

Mais c’est vaguement hors sujet ^^
Mais passionnant.

Toujours dans le but de modérer les neutrons sans les absorber, il y a une alternative à l’eau lourde, c’est d’utiliser autre chose que l’hydrogène pour ralentir les neutrons. Et on connaît un élément ultra abondant aussi, qui modère un peu, et qui n’absorbe pas du tout, c’est le carbone 12.
On l’utilise alors sous forme de graphite.
Par contre, vu qu’il modère pas bien, on en met des quantités énormes. Et c’est pour ça que les réacteurs au graphite sont toujours démesurément grands.
Typiquement, la quantité de chaleur produite par 1 m3 de cœur, elle est de 500 kW sur un réacteur à graphite… Tandis qu’elle peut aisément atteindre 100 MW pour un réacteur à eau.

Graphite et eau lourde permettent de se passer d’enrichissement de l’uranium, c’est pourquoi ils furent parmi les premiers modérateurs utilisés dans les réacteurs à neutrons thermiques.
Mais, finalement, l’eau ordinaire est la plus utilisée aujourd’hui, moyennant enrichissement.

Voilà pour le modérateur. Maintenant, parlons caloporteur : c’est le fluide utilisé pour transporter la chaleur depuis le cœur vers… Et bien, soit vers la turbine, soit vers le fluide qui servira à mettre en rotation la turbine.

Et le caloporteur, bon, là, c’est pas compliqué : soit on transporte vers un échangeur, donc il faut surtout un fluide performant, soit on transporte directement à la turbine, alors il faut du gaz pour l’actionner, et si possible un gaz pas trop précieux. Vapeur d’eau (qui a le bon goût de pouvoir changer de phase, de liquide dans le cœur vers vapeur à la turbine), CO2, azote, hélium…

Et on ne sera pas surpris de voir l’eau (lourde ou ordinaire) privilégiée dans la quasi-totalité des filières de réacteur, car elle a le bon goût de pouvoir modérer les neutrons ET bien transporter la chaleur !

Les choix du caloporteur et du modérateur sont les différences fondamentales entre les différentes filières de réacteur.
Au second ordre, on a le combustible qui change : niveau d’enrichissement, état physico-chimique (céramique ou métal, en général), géométrie, etc.
Mais on va pas s’éterniser sur le combustible car, à priori, on n’a pas besoin de rentrer dans ce niveau de détails.
Avec les caloporteur et modérateur, on a déjà pas mal d’arguments.

Revenons au concept de filières de réacteur. Bon, je ne vais pas vous le cacher, la suite va être très franco-centrée. Parce que je préfère parler de ce que je connais… Et parce que ça nous concerne davantage, et puis aussi parce que c’est plus intéressant chez nous qu’ailleurs :p

On avait dit que l’eau était bien pratique car à la fois modérateur ET caloporteur. Et l’eau ordinaire, si on enrichit l’uranium, permet de se passer d’eau lourde (très coûteuse).
Et des réacteurs à eau ordinaire, ou Réacteurs à Eau Légère (REL), il en existe deux filières.
Au passage, chacun appréciera l’intelligence d’avoir décidé de nommer les réacteurs à eau légère « REL », par opposition aux réacteurs à eau lourde.
Pour l’eau lourde, on utilise en général la terminologie anglophone : « Heavy Water Reactor », du coup.

Et deux les REL, il y a deux familles.
Ceux dans lesquels l’eau est maintenue à l’état liquide, malgré la très haute température (plus de 300°C), moyennant donc une très haute pression (plus de 150 bar).
Ce sont les Réacteurs à Eau Pressurisé (REP) ou Pressurized Water Reactors (PWR).

Et ceux dans lesquels l’eau arrive liquide (à pression moins élevée, 70-80 bar) dans le cœur et y est chauffée jusqu’à ébullition et ressort sous forme de vapeur.
Ce sont les Réacteurs à Eau Bouillante (REB) ou Boiling Water Reators (BWR).

Ils représentent les deux tiers du parc mondial de réacteurs pour le premier, le quart pour le second.
Et les REP représentent 100% de l’actuel parc français (58 réacteurs + EPR en construction). Si on a expérimenté quelques autres filières, on n’a jamais eu un seul REB.

Rentrons à présent un peu plus dans le détail de chacun. 
Dans les deux cas, le cœur nucléaire est un ensemble de quelques dizaines de milliers de crayons de 2 à 5 mètres de long et 1 cm de diamètre, regroupés en « assemblages combustibles » comme sur cette image.
Quelques dizaines à centaines d’assemblages forment alors le cœur, contenu dans une cuve où circule l’eau.

En sortie de cuve, pour les REP, l’eau est toujours liquide.
Elle circule dans le circuit primaire jusqu’aux échangeurs de chaleur appelés « Générateurs de vapeur ».
Dans ces échangeurs, l’eau liquide du circuit secondaire passe en phase vapeur avant d’aller alimenter la turbine.

En sortie de cuve, pour un REB, l’eau est passée sous forme de vapeur. Elle va donc être séparée des gouttelettes qui peuvent encore la composer, séchée, puis dirigée directement vers la turbine sans recourir par un échangeur intermédiaire.
Plus efficace que pour un REP, donc ; mais en cas d’accident, si la vapeur est contaminée, elle peut emporter la contamination hors du bâtiment réacteur, vers la salle des machines.
C’est vu, en tout cas de France où l’on ne jure que par les REP, comme une grosse lacune en termes de sûreté.

Récapitulatif en images.

Circuit REP :

Circuit REB :

1 – Cuve| 2 – Cœur | 3 – Barres de contrôles | 4&5 – Turbine | 6 – Alternateur |
7 – Transformateur | 8 – Circuit de refroidissement | 9 – Tour aéroréfrigérante

Quelques mots, à présent, sur des concepts moins répandus.
Par exemples, les réacteurs CANDU (« CANadian Deuterium – Uranium« ). Uranium non enrichi, et donc eau lourde comme modérateur et aussi caloporteur.
Deux circuits d’eau lourde indépendants, l’un pour modérer, l’autre pour porter la chaleur aux générateurs de vapeur.
Pas vraiment de cuve, et des cœurs assez gros mais dont on peut renouveler le combustible sans arrêter les opérations, du coup, car pas de cuve à dépressuriser et ouvrir. 
Comme sur cette image : un cœur vu de l’extérieur, avec la machine d’extraction/insertion du combustible.

Il y en a 19 au Canada, 4 en Corée du Sud, 4 en Roumanie, et une poignée d’autres dans le Monde.
Outre le coût de l’eau lourde, un reproche faits à ces réacteurs est la possibilité de retirer facilement le combustible en service… Très pratique pour en extraire du plutonium de qualité militaire.
On ne sera pas surpris, donc, d’en retrouver également en Inde et au Pakistan !

Cette possibilité d’extraire le combustible en service, on la retrouve aussi sur les réacteurs dont le modérateur est le graphite.
Parmi eux, ceux refroidis au gaz comme les « Uranium Naturel, Graphite, Gaz » (UNGG) français : trois étaient d’ailleurs spécifiquement dédiés à la production de plutonium militaire au CEA, et 6 autres étaient exploités par EDF, le dernier arrêté en 1994.
Les anglais avaient un jumeau aux UNGG, les MAGNOX, dont le dernier a été arrêté en 2015.
Ils ont encore des dérivés, cependant, les « Advanced Gas Reactor » (AGR), également des réacteurs modérés au graphite et refroidis au gaz, mais nettement évolués par rapport aux UNGG/MAGNOX.

Et, enfin, les réacteurs à graphite les plus connus, ceux refroidis à l’eau liquide/vapeur.
Comme dans un REB : l’eau arrive liquide dans le cœur (dans des tubes pressurisés, pas dans une cuve, cependant), elle y bout avant d’aller entraîner la turbine. Et un enrobage de graphite comme modérateur.

Ces réacteurs, on les appelle Reaktor Bolshoy Moshchnosti Kanalnyi. En VO, Реактор Большой Мощности Канальный.
Couramment, on les appelle RBMK.
Vous l’aurez deviné, ce sont des réacteurs de conception soviétique, et dont l’URSS fut le seul utilisateur. Il n’en reste, aujourd’hui, en service, qu’en Russie.
Et vous aurez fait le lien : réacteur connu, URSS…

C’était la filière à laquelle appartenaient les réacteurs de Tchernobyl.

Un point commun aux réacteurs à graphite, je l’ai évoqué tout à l’heure, c’est qu’ils sont gros.
Conséquence : pas de cuve, pas non plus de véritable enceinte de confinement.
En plus de cela, pas de séparation des circuits entre le fluide qui passe par le cœur, et celui qui alimente la turbine, comme sur un REP.
Et pour ne rien arranger, un cœur composé de centaines de tonnes de graphite, matériau inflammable.

Et voilà où je voulais en venir. Outre les explications sur les sigles qu’on utilise, les caractéristiques de chaque réacteur… Vous pouvez comprendre ce que ça a d’exaspérant quand on sort « TCHERNOBYYYYYL » pour parler du parc nucléaire français.

Ces réacteurs n’ont RIEN à voir avec les nôtres. Pas le même modérateur (eau/graphite), pas le même caloporteur (eau-eau/eau-vapeur), même pas le même combustible (enrichi/non enrichi).
Et du coup, pas DU TOUT les mêmes risques.

On ne peut pas avoir, sur un réacteur à eau pressurisée, en cas de dommage sur le circuit primaire, de relargage immédiat de la totalité de l’inventaire radiologique dans l’environnement, parce que l’enceinte de confinement joue considérablement.

On ne peut pas avoir de dispersion de milliers de morceaux inflammables d’un immense cœur aux alentours : le cœur fait quelques mètres cubes à peine, sur un REP, contre des centaines de mètres cubes dans un RMBK.

On ne peut pas avoir d’énormes incendies de graphite dont la chaleur porte très haut les radionucléides pour une dissémination la plus lointaine possible.

Option bonus : les RBMK avaient des problèmes d’instabilité de la puissance, qui ont conduit à l’accident, hein.
En très bref : sur la plupart des réacteurs, si la température du cœur augmente un peu, des phénomènes physiques étouffent un peu la réaction en chaîne, donc la puissance baisse, donc la température redescend.
Dans les RBMK, il existait une configuration inversée : si la température montait un peu, ça favorisait la réaction en chaîne, donc la puissance augmentait, donc la température, donc la puissance, donc la température… Et c’est ce qu’il s’est passé à Tchernobyl.

Donc quand vous voyez des gens faire des analogies entre Tchernobyl et nos réacteurs, ou s’appuyer sur Tchernobyl pour discréditer le nucléaire français (ou même le nucléaire moderne, en fait), considérez à priori que ce sont des bêtises.
Après, prenez le temps de regarder l’argumentaire, s’il est étayé, s’il prend en compte les disparités que j’ai mentionnées, OK, pourquoi pas.

Mais à priori, ça risque de se limiter à « le nucléaire c’est mal, regardez Tchernobyl », donc… -> Nope.

Qu’est-ce que je peux ajouter à ça…

Fukushima, c’était un REB, donc encore un réacteur différent des nôtres, mais c’est pas vraiment ça qui a joué, plutôt l’emplacement et les évolutions au cours des décennies.
Three Mile Island, c’était un REP, légèrement différent des nôtres, mais c’est un peu l’accident de référence à retenir en France, du point de vue du fonctionnement du réacteur. Et il a alimenté énormément de retour d’expérience très profitable à la sûreté chez nous.

Et je pense que j’ai plus ou moins fait le tour du sujet. De « qu’est-ce qu’ils ont de particulier nos réacteurs » à « en quoi Tchernobyl c’est PAS un de nos réacteurs» 😋

Bonne journée !

#AntinucléairesVSclimat : « Transition énergétique : l’Allemagne montre la voie ! »

Thread initial par @Astrochnis :

Les passages en italique sont les retranscriptions exactes des propos de l’auteur de ce thread. Les passages en caractères romans sont mes propres ajouts et commentaires, dont je vais minimiser le nombre pour ne pas dénaturer le propos initial.

À en croire le Réseau Sortir du Nucléaire, l’Allemagne aurait baissé ses émissions de GES grâce à la baisse du nucléaire, et grâce à l’essor du renouvelable, avec de très jolis graphiques sur la gauche, et que donc l’Allemagne serait un modèle à suivre. Sans vouloir vous spoiler le truc, il semble qu’ils confondent corrélation et causalité.

Regardons les chiffres bruts. Si j’en crois [Eurostat], les émissions totales de GES sont de [1264] MtCO2 en 1990 et [927] MtCO2 en 2014.
Ensuite, ils mettent en corrélation un baisse d’une valeur absolue avec les évolutions de valeurs relatives. Grosse erreur!!!

On ne compare jamais une valeur absolue à une valeur relative, sauf si le dénominateur de la valeur relative reste inchangé ! En plus, les émissions de gaz à effet de serre ne viennent pas toutes de la production d’électricité, mais aussi de l’industrie, du transport, du logement.Bref, Sortir du Nucléaire sombre déjà dans le délire. Mais admettons qu’ils puissent avoir une bonne intuition et regardons, correctement, les valeurs absolues. Je suis donc allé sur Eurostat chercher les émissions de GES dues à la production d’électricité de l’Allemagne (en MtCO2)et les productions électriques nucléaires et renouvelables (en TJ). Toutes les données viennent d’Eurostat, histoire d’avoir les mêmes sources [qu’eux]. Et voici les courbes :

Est-ce que vous le voyez le lien entre baisse du nucléaire et baisse des émissions de gaz à effet de serre DUES A LA PRODUCTION D’ÉNERGIE? Non. Et le lien entre cette baisse et la hausse des renouvelables? Non, plus.
Si j’étais taquin, je dirais même que plus le rythme d’installation de renouvelable augmente, moins les émissions de GES diminuent…

Passons à la partie droite de l’infographie. Ici, je tiens à remercier @NicolasMeilhan et son billet, qui m’ont permis de découvrir le document que je vais vous présenter.
Il s’agit d’une figure d’un des rapports de l’Institut Boell, concernant le charbon en Allemagne. Qu’est-ce que l’Institut Boell ? Il s’agit d’une fondation politiques, rattachée à un parti politique allemand, Die Grünen , soit EELV chez nous. Donc une fondation politique écolo.

Voyez la courbe ci après. Elle représente toutes les centrales à charbon et lignite prévues en Allemagne. En bleu et vert, celles dont la construction a été arrêtée, ce qui correspond au nombre de 6 donné par Sortir du Nucléaire, en effet. Par contre, en jaune, orange et rouge, celles dont la construction est prévue, celles en construction, et celles dont l’exploitation a commencée entre 2012 et 2015. Avec notamment la centrale de lignite de Neurath, exploitée depuis 2015 avec une puissance équivalente à la centrale de Fessenheim…

Alors quand @sdnfr dit qu’il n’y a pas eu de nouveaux chantier de centrales à charbon, comment dire, c’est assez contestable. Lien vers le rapport de Boell.

Pour la dernière partie de l’inforgraphie, je ne vais pas trop m’étendre sur le fait que le nucléaire N’A PAS été remplacé par le renouvelable, j’en ai déjà parlé :

Dernier point. Le Réseau SdN dit que l’Allemagne montre la voie. Quand on lit le dernier rapport du GIEC et qu’on compare les émissions des deux mix électriques, on aurait plutôt tendance à dire que l’Allemagne montre une voie sans issue.

Crédit ElectricityMap

#AntinucléairesVSclimat : « Économies d’énergie + renouvelables = nucléaire arrêté + climat protégé ».

Thread initial par @altern_is :

Les passages en italique sont les retranscriptions exactes des propos de l’auteur de ce thread. Les passages en caractères romans sont mes propres ajouts et commentaires, dont je vais minimiser le nombre pour ne pas dénaturer le propos initial.

Un petit rappel, comme toujours (oui, le thread va commencer, c’est bientôt la fin des bandes-annonces).

Alors mes petits amis, nous ici on va s’intéresser à la fiche suivante. 
Vous allez me dire : ‘Oh mais le petit malin, il a déjà traité le sujet !’. Bah ouais. Je vous ai dit que j’avais pas de temps
😎.

Passons outre le chapeau si vous me le permettez et intéressons-nous à la phrase « Le pays le plus nucléarisé au monde peut remplacer le nucléaire sans surcoût ». Alors même si j’invalide cette phrase dans un de mes threads (infra), allons un peu plus loin.

Nos amis de SdN nous disent que c’est l’ADEME qui dit que ‘produire l’électricité de la France en 2050 100% EnR = pas + cher que garder 50% de nuc’ « Dont l’ADEME sous-estime pourtant le coût ». Les saligauds. Allons donc gentiment fouiller dans ledit rapport.

Déjà, en page 5 du rapport, on trouve la phrase suivante :
« nous n’ignorons pas l’enjeu que représente la gestion de la stabilité du réseau, qui n’est pas traité dans l’étude. »
Bon, ça sent pas très bon, mais continuons.

On a beau fouiller le rapport on ne trouve pas explicitement le constat cité par SdN. Mais à la page 14, nous avons une comparaison du coût de l’énergie (€/MWh) pour différents scénarios EnR. Et on voit 100% EnR (réf.), 95% EnR, 80% EnR, 40% EnR… Ah, serait-ce le fameux 50% nucléaire dont parle SdN ? Considérons que c’est le cas.

Ainsi on voit qu’entre le 100% et 40% EnR, le prix est varie de 2€. Donc oui, le rapport dit ceci si l’on considère que le 40% EnR est le 50% nucléaire.

Mais quel est la différence de prix entre le 100% EnR et si on gardait notre parc nucléaire à 75% ? Soyons joueurs et allons plus loin : qu’est-ce qui coûte plus cher entre construire un parc 100% EnR et 100% nucléaire ? C’est ça qui est réellement intéressant !

Pour faire la comparaison, on va utiliser… une règle de 3 ! Ça va me changer de mon quotidien et tout le monde est capable de la faire :-). Pour simplifier, on va faire un 100% nuc’ vs un 100% éolien. 

Certain vont objecter « Oui mais les autres EnR », mais ça ne change pas le fond du calcul.

  • Le nucléaire a un facteur de charge de 80%. L’éolien 20% (Source : Allemagne). Facteur 3-4.
  • La durée de vie d’un réacteur est de 60 ans. L’éolien dure 20 à 30 ans. Facteur 2-3.
  • Le réseau reste inchangé avec un nucléaire à neuf. Pour l’éolien, l’Allemagne nous a montré (et ils étaient pas super fiers) qu’il faut mettre 0,5 à 1 fois le prix d’une éolienne par éolienne dans le réseau. Facteur 1,5-2.
  • Le stockage sur le 100% nucléaire est de l’ordre de 10% de la production. Pour l’éolien, 50-60%. Facteur 2. Sans compter l’expropriation.
  • Je prends un facteur 2 ici car je considère que l’investissement en stockage n’est pas linéaire. Je pense que c’est un peu sous-estimé, mais bon.
  • D’ailleurs pour les petits malins du fond, faire du stockage intersaisonnier sur batterie pour une maison, c’est un investissement égal au prix de la maison.
  • Le nucléaire coûte 3-5k€ le kWh. L’éolien 1,5 k€. Facteur 0,3-0,5.

Au final, on se retrouve avec un facteur 10-20 entre le 100% nucléaire et le 100% éolien et par extension EnR.

Par extension, en prenant l’argumentaire de SdN, passer à 40% EnR coûte toujours 10 à 20 fois plus cher que le 100% nucléaire. Merci SdN de confirmer indirectement que passer à 50% de nucléaire est une ineptie 😍 !

Passons à la suite. D’après l’IAE, « c’est l’efficacité énergétique qui pourra assurer d’ici 2030 50% des réductions des émissions de CO2 ».
Oui, ok, si on produit moins d’énergie carbonée, on pollue moins, ça me paraît logique. Mais je ne vois pas le rapport au nuc’ s’il y en a un.
En fait, le reste de l’affiche parle de la réduction de la consommation d’énergie, en citant Ecofys, sur lequel je n’ai pas grand chose à dire et négaWatt, dont on reparlera du scénario un autre jour promis car il faut voir ce qu’ils appellent « en améliorant notre qualité de vie ».

Au final, que retient-on ? La première phrase est factuellement fausse et justifiée par un argument valide en soi mais qui est hors sujet dans le débat qu’ils veulent mener.
Leur argument se retourne même contre eux : on a vu que passer à 40% d’EnR coûte 10 à 20x plus cher qu’un tout nucléaire en se basant sur l’étude de l’ADEME.
Mais je reste critique sur l’étude de l’ADEME que je soupçonne de ne pas scaler correctement le réseau avec la proportion d’EnR, ce qu’ils avouent en préambule de leur étude et qui est un biais considérable (cf. 0.5 à 1 fois le prix d’une éolienne par éolienne).
Un 40% EnR coûterait donc moins que 10 à 20x plus cher, mais 5 à 10x est déjà trop.
Voilà, c’est tout pour moi, je retourne travailler avant de déclencher un incident diplomatique avec ma boss ! Portez vous bien et surtout lisez les autres threads
😉 !

#AntinucléairesVSclimat : « Face au danger climatique, multiplier les dangers nucléaires ? », 2/2.

Première partie.

Thread initial :

On se remet l’image complète juste là, on s’est déjà payés la première moitié, attaquons la deuxième.

« 300 000 tonnes de combustibles nucléaires usés accumulées dans le monde »

Vrai ? Et bien… Je n’en sais rien.
Je ne sais pas si on parle de tonnage sur la balance, de tonnage en métal lourd, de tonnage avec les conteneurs… Y’a pas grand chose à tirer de ce nombre, en fait. Alors je ne vais pas chercher à savoir s’il est vrai.
Je vais simplement rappeler que ce sont des déchets solides, sagement entreposés sans difficulté particulière en attendant une solution de stockage (ie. définitive) fiable.

Et on va admettre cette masse de 300 000 tonnes et la relativiser un peu :
C’est environ 10% de la masse de dioxyde de carbone rejetée directement dans l’atmosphère en 2017.



Par l’Islande.

60 ans de déchets nucléaires mondiaux, c’est la même masse que 36 jours de CO2 en Islande.

C’est aussi la masse de 5 minutes d’émissions mondiales de CO2 en 2017 (à noter que je ne parle QUE de CO2, et pas de l’ensemble des gaz à effet de serre).
Huit heures d’émissions de CO2 françaises.

300 000 tonnes dans le monde : ce n’est rien.

L’enfouissement, à présent : un fiasco, qu’ils nous disent, en Allemagne et aux USA.

J’ai cru qu’on allait pouvoir écarter très vite le sujet USA, en disant qu’il y’a eu des incidents, sans gravité, et après quelques années d’arrêt du stockage, les activités de celui-ci ont repris.
Mais en faisant des recherches, je me suis rendu compte que nos amis de Sortir du Nucléaire avaientt quand même réussi à dire n’importe quoi en parlant d’incendie.
Le site de WIPP, aux USA, a, en effet, subi un incendie d’un camion de transport de sel (le site étant aménagé dans des cavités creusées dans le sel).
Ceci a eu lieu dans une zone du site dédiée à des expérimentations et des recherches,en l’absence de tout déchet radioactif. Aucune contamination, aucun rejet radioactif donc, juste des fumées normales de camion qui brûle.
Six travailleurs ont été d’ailleurs hospitalisés en raison de l’inhalation de fumées, mais ont pu quitter l’hôpital le lendemain.
Incident mineur, donc.

Et, dix jours plus tard, dans une autre section du WIPP qui, elle, abritait des déchets, il y a eu un accident d’endommagement d’un colis et de relâchement de radioactivité, d’émetteurs alpha, spécifiquement.
Cet événement là, sans aucun lien avec l’incendie, a effectivement valu une faible contamination interne à 21 employés.
En dehors de ces personnes, les doses modélisées de manière pénalisante sont de 100 µSv max sur site, 10 µSv max hors site.
10 µSv, c’est le centième de la dose maximale admissible pour le public en France pour les activités industrielles. Et cette dose maximale est d’un facteur 100 inférieure aux doses que l’on sait représenter un potentiel danger (les marges raisonnables, tout ça).
100 µSv, c’est 5 millièmes de la dose maximale annuelle admissible pour les travailleurs « catégorie A » exposés à la radioactivité en France.

Bref, du point de vue des conséquences hors site, c’est nada, et pour les 21 contaminés, les niveaux de contamination inquiètent peu et ils seront de toute manière très surveillés.

On parle donc là d’un accident assez mesuré finalement – d’ailleurs, s’il a certes fallu 3 ans pour nettoyer la contamination d’une galerie, les activités de stockage ont depuis plus d’un an repris au WIPP.

L’Allemagne et la mine d’Asse, à présent… J’avoue moins connaître le sujet.
Mais Asse illustre tout ce que n’est pas Cigéo :
stabilité géologique déjà compromise à l’aube du projet ;
mine de sel réaffectée plutôt que site prévu et conçu pour le stockage ;
infiltrations d’eau alors que le seul avantage du sel aurait du être la protection contre l’eau ;
déchets entassés sans plus de subtilité, parfois littéralement balancés en vrac.

J’ignore si elle est authentique, mais cette image revient très souvent à propos de la mine d’Asse. Si elle est bonne, ça donne le ton. On la trouve par exemple dans un dossier du journal allemand Der Spiegel consacré à Asse :

Par ailleurs, le stockage y a commencé en 1965, peu avant que nous ne commençions à stocker nos déchets au Centre de Stockage de la Manche, lequel ne pose pas un millième des problèmes d’Asse.
Donc déjà un peu d’avance de la façon de faire « à la française » dans les années 60, qui ne peut que s’être accrue depuis – entre autres grâce au retour d’expérience d’Asse.

Centre de Stockage de la Manche en cours de fermeture

L’Allemagne nous offre, une fois n’est pas coutume concernant le nucléaire, un très bon exemple… De ce qui ne sera plus fait avec les déchets radioactifs.

Quelques rappels sur le concept de Cigéo et ses multi-barrières de confinement :

Et puis, tout simplement, un dernier tacle avant de passer à la suite… Le Réseau Sortir du Nucléaire parle de combustible usé, puis de deux sites de stockage où il n’est pas question de combustible usé (ni brut, ni retraité).

Bon, on ne va pas faire le tour de tout le sujet des déchets, on voit assez bien qu’ils l’ont bâclé, et vous avez mis plus de temps à lire ce que j’en dis qu’eux à l’écrire, à mon avis. Et j’vous parle pas du temps que moi j’viens d’y gâcher.
Reste la dernière partie de l’image. J’débats peu du nucléaire militaire, en général, alors on va aller très vite.

La citation d’Al Gore : bon gros cherry picking, on ne sait pas de quoi il parle, de quand, du contexte, du rapport avec son prix Nobel (argument d’autorité en rab), bref, fallacieux au possible.

Mais puisque ça parle de prolifération, j’ai été jeter un œil au traité de non prolifération. D’une part, sur ses non signataires : Inde, Pakistan, Israël. Et Soudan du Sud, mais… Bon. Pas un gros sujet, le Soudan du Sud et le nucléaire.

Côté Inde, le lien entre nucléaire civil et militaire est assez évident, au vu de leur goût pour les réacteurs à eau lourde, très bon producteurs de plutonium de qualité militaire.
Pakistan, c’est moins vrai, avec essentiellement des REP, mais, il est vrai, un réacteur à eau lourde aussi mis en service en 1971, donc un possible problème d’interférences civil/militaire.
Par contre, Israël, un seul réacteur et purement militaire. Donc trois exemples de problèmes liés à la prolifération, dont un met en tort les affirmations d’Al Gore, quel dommage !

Plus amusant encore, j’ai été jeter un œil au traité de non-prolifération. Sur lequel s’asseoit @sdnfr, puisqu’on y lit à la première page que les signataires approuvent…

« The principle that the benefits of peaceful applications of nuclear technology, including any technological by-products which may be derived by nuclear-weapon States from the developement of nuclear explosive devices should be available for peaceful purposes to all Parties to the Treaty, whether nuclear-weapon or non-nuclaire weapon States »

Pour les non-anglophones : est approuvé le principe que les applications pacifiques du nucléaire, y compris les dérivés du développement des armes, devraient être accessibles à toutes les parties du traité pour des usages pacifiques.

D’où le fait que Sortir du Nucléaire s’assoie sur ce traité.

Pour finir, à propos de l’encadré de gauche :
C’est justement le rôle du nucléaire militaire que de prévenir l’occurrence d’une guerre nucléaire. Je ne vous fait pas l’affront de vous exposer le principe de dissuasion que vous avez du apprendre au collège/lycée, vous.
« Sécheresse, désertification […] », etc., sont de très bonne raison de lutter contre le dérèglement climatique. Donc de recourir, entre autres, au nucléaire.

On termine donc ce thread comme le précédent : avec le Réseau Sortir du Nucléaire qui expose des risques qui conduisent logiquement à pousser un développement accru du nucléaire. Le risque d’un dérèglement climatique majeur.

#AntinucléairesVSclimat : « Face au danger climatique, multiplier les dangers nucléaires ? », 1/2.

Thread initial :

Bon, on va y aller tout doucement, en plusieurs fois, parce que c’est du très, très lourd, très, très dense. Comme du plutonium, et aussi toxique.

L’image est découpée en trois parties, alors je vais me contenter pour le moment de la première, la moitié haute.En plein centre : TCHERNOBYYYYL.

5 millions de personnes en zone contaminée

« En zone contaminée », ça ne veut rien dire. Des traces de retombées parfaitement inoffensives suffisent à parler de zone contaminée :
l’existence d’une contamination n’est pas un indicateur de risque.
Mais, soit, on ne peut nier que la légèreté des mesures de mitigation, et notamment les évacuations tardives et limitées, furent un énorme problème à Tchernobyl.
L’accident aurait été beaucoup moins grave avec une évacuation immédiate des zones à risque.

On a donc un exemple de ce qu’il ne faut pas faire, et donc qu’on ne ferait plus, cf. Fukushima. Un point positif, au final, même si au prix fort.

Par contre, le million de décès, c’est une énorme approximation. Et j’hésite à parler d’entubage. 
Le dénombrement des victimes de #Tchernobyl fait l’objet d’énormes débats, les chiffres sont très nombreux et assez disparates.

Un peu comme les modèles climatiques, par exemple, et c’est la raison pour laquelle, côté climat, la référence prise est souvent le GIEC, qui compile la littérature scientifique mondiale pour en tirer des tendances d’ensemble.
C’est également le même travail que produit l’UNSCEAR (United Nations Scientific Commitee on the Effects of Atomic Radiation), rattaché aux Nations Unies, sur l’étude des effets des expositions aux rayonnements ionisants.

Quelques chiffres issus de leur travail concernant Tchernobyl :
134 expositions à de fortes doses, conduisant à plusieurs dizaines de décès prématurés dans les premiers mois ou les années suivantes ;
530 000 personnes surveillées car ayant reçu des niveaux de radiation à risque stochastique (pas d’effets directs mais risque de contracter un cancer plus ou moins accru) ;
Près de 6 000 cas excédentaires de cancer de la thyroïde chez des enfants, nombre susceptible d’augmenter avec les années (évidemment de moins en moins). Cancer heureusement rarement mortel.

Personnellement, j’ai coutume de retenir, pour faire très simple et enveloppe de tout ça, « moins de 10 000 victimes », où victime n’est pas synonyme de « décès ». Ça permet de préserver l’ordre de grandeur de la gravité, sans minimiser l’événement, sans céder au drame démesuré.

Le million, alors, d’où vient-il ?

Ah, le soin porté aux choix de ses sources… Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait la Peur !

La source, ici, est une traduction d’un livre publié par trois sommités (sans ironie) scientifiques d’ex-URSS.
La traduction a été publiée par l’Académie des Sciences de New-York, mais pas en tant qu’étude revue par les pairs, nous explique la page Wikipédia dédiée au livre
Il s’agit donc bien d’un livre indépendant, pas d’une étude scientifique au sens habituel du terme.
Néanmoins, cinq revues de ce travail ont été effectuées depuis.

Si l’une salue le travail réalisé et appelle à une meilleure prise en compte des travaux des scientifiques de l’Est dans les études de l’Ouest, les quatre autres sont unanimes. Des méthodes aux conclusions, beaucoup de choses sont à revoir (en fait, elles ne sont pas si unanimes : elles ne sont pas tout à fait d’accord sur ce qui est le pire dans le travail réalisé ^^ »).

Si l’on est libre de mentionner cette source parmi d’autres, car tout n’est visiblement pas à jeter dedans et loin de là, en faire la seule référence parce qu’elle offre le plus grand nombre de morts possible est donc indiscutablement malhonnête.
C’est un peu comme se baser sur un livre d’Allègre pour causer climat, en contredisant tout en le négligeant le GIEC. Ça serait mal vu.

Au final, ce qu’expose le Réseau Sortir du Nucléaire est vraisemblablement plus loin de la vérité que d’affirmer, on le voit parfois, qu’il n’y aurait que 50 morts (le nombre de morts sur le coup).

On vient de faire le tour d’un élément de la première moitié d’une des images de l’infographie. Et c’est déjà long. Pfiou !
Mais continuons.

« Aucune autre source d’électricité, aucune autre technologie ne peut entraîner de telles conséquences qu’elles peuvent mettre en difficulté l’économie d’un pays entier »

Là, ça va aller très vite, car je pense qu’il n’y aura personne à convaincre : n’importe laquelle des énergies fossiles est susceptible de mettre en difficulté l’économie d’un pays entier dès lors que la ressource manque.
Que ce soit hier ou aujourd’hui, par des problèmes d’approvisionnement pour des raisons politiques ou économiques, ou, demain, pour des raisons de rareté de la ressource : que le gaz, le charbon ou le pétrole vienne à manquer, et l’économie prend très vite, très cher.
On pourrait aussi signaler qu’au-delà du seul aspect économique, les centaines de milliers de morts annuels du charbon dans le monde ont des conséquences terribles.

À ce sujet, une petite digression, ou j’essaye de mettre des ordres de grandeur sur les victimes de la catastrophe nucléaire de Fukushima-Daiichi. Et surtout, sur le nombre de victimes du charbon qui est venu en remplacement d’une partie du parc nucléaire nippon.

Ce thread a ses défauts, mais il remet un peu de perspective néanmoins : même à choisir entre du nucléaire et un accident, ou pas de nucléaire et davantage de fossiles, le choix n’est pas aussi évident qu’il en a l’air.
D’ailleurs, deux pays très engagés dans l’accroissement de la part du nucléaire dans le mix électrique sont… le Japon, qui veut vite redémarrer son parc, et l’Ukraine, qui souffre de sa dépendance au gaz russe.

Revenons à nos antinucléaires français.

Je pourrais parler des conséquences sur l’économie et bien d’autres choses du dérèglement climatique, vraisemblablement bien pire qu’un accident nucléaire pour de nombreux pays, mais… Je me garde ça pour plus tard.

Du coup, on passe à la suite :

« 6 millions de français à moins de 30 km d’une centrale »

Est-ce vrai ?
Pour commencer, j’aimerais souligner la beauté de la source : « Nature, 2011 ». Va retrouver quoi que ce soit à partir de ça.
Mais j’ai fait mes recherches, et j’ai trouvé des sources qui valident à peu près ce nombre. J’ai trouvé 7 millions, mais en comptant les voisins outre-frontières, donc on doit à peu près s’y retrouver.

Est-ce pertinent ?
Et bien… Pas vraiment. Tout au plus peut-on en déduire que 6 millions de personnes sont concernées par « le risque nucléaire » (en omettant les autres installations nucléaires : usines du cycle, recherche, entreposage ou stockage de déchets, militaire…).
Mais un accident toucherait sa population avoisinante, et non pas 6 millions de français. La centrale affichant la plus forte densité de population dans son voisinage (30 km) est la centrale du Bugey, avec 1,3 millions de français et étrangers aux alentours.
Ensuite, la pertinence du critère de 30 km est discutable : en France, les Plans Particulier d’Intervention sont dimensionnés à 10 km, en transition vers 20 km, et ce n’est pas sans raison.
30 km correspond à la distance maximale à laquelle des évacuations ont eu lieu à Fukushima, ce qui ne veut pas dire que tout le monde dans un rayon de 30 km a été évacué.
Il faut donc y voir une « limite haute » du nombre de personnes concernées. D’autant plus « limite » qu’à Fukushima, les rejets de radioéléments n’ont pas pu être filtrés avant envoi dans l’atmosphère, alors qu’ils le seraient en France, les installations étant équipées pour.

Est-ce une exclusivité nucléaire ?
De l’ordre de 1,3 million de français exposées à un accident industriel ?
Le barrage de Vouglans, très en vogue chez les antinucléaires en ce moment est susceptible de noyer une bonne partie de l’agglomération de Lyon, et donc concerne une large partie des 2,3 millions d’habitants de l’air urbaine lyonnaise.
Par ailleurs, diverses Installations Classées pour la Protection de l’Environnement, et sites Seveso, sont également susceptibles, en cas d’accident, de libérer de larges quantités de produits toxiques et d’exposer la population à des substances plus ou moins nuisibles (pensez donc à Bhopal…) selon un mode de propagation semblable à celui d’un accident nucléaire.
Concernant Vouglans et les risques nucléaires et chimiques de la vallée du Rhône, je vous recommande cet excellent thread :

« Coût de l’accident : 760 milliards d’euros selon l’IRSN »

Ce chiffre provient d’une étude de l’IRSN de 2007, portant sur « le plus extrême des accidents majeurs ».
Connaissant un peu l’IRSN, en lisant ça, j’imagine une fusion totale inexpliquée du cœur et rupture de l’enceinte de confinement permettant des rejets énormes, non filtrés, et précoces (-> peu de décroissance avant rejet).

Cette étude a été refaite en 2014, cette fois en supposant un « accident majeur représentatif ». C’est-à-dire qu’on n’étudie plus le pire physiquement atteignable, mais le pire éventuellement envisageable.
On descend à 430 milliards d’euros de conséquences économiques pour l’accident majeur (par opposition à « grave ») considéré par l’IRSN.
La nuance est donnée très clairement :

« Par convention de langage, l’accident dit « grave » comporte des rejets radioactifs importants, mais différés et partiellement filtrés, alors que l’accident dit « majeur » provoque des rejets massifs non filtrés. »

IRSN

Donc oui, si ce n’était pas clair : le Réseau Sortir du Nucléaire a préféré remonter à une étude de 2007, parce que celle de 2014, jugée plus représentative par ses auteurs, était jugée insatisfaisante par nos antinucs. Pas mal, hein ?

Bon, puisque j’y suis… L’IRSN expose le détail de ce nombre de 430.

En gros, 60 milliards d’euros d’impact radiologique, 110 milliards pour la perte de territoires contaminés, 90 milliards d’impact sur le parc nucléaire.

Et puis 170 milliards (40% du total !) de « coûts d’image » !
Les coûts d’image intègrent des pertes économiques diverses : non-vente de denrées ou biens de consommation pourtant sains, suite à un boycott, effets sur le tourisme, sur les exportations…
À mes yeux, ce sont des coûts qui sont imputables à la désinformation pratiquée par les vendeurs de peur. Je balance juste ça comme ça.

Maintenant, une nuance apportée par l’IRSN : « ces évaluations très élevées du coût d’un accident nucléaire sont à mettre en regard de probabilités très faibles d’occurrence de tels évènements ».
C’est le principe de l’évaluation des risques : plus les conséquences d’un événement sont graves, plus sa probabilité d’occurrence doit être réduite.

Et là, on parle d’un accident MAJEUR.
L’accident majeur à 430 milliards, tout est mis en œuvre pour qu’il soit proche d’être exclu. Établir un scénario qui aboutirait à un tel événement me semble bien requérir d’imposer un « ta gueule c’est magique » à quelques reprises.

Bref : Sortir du Nucléaire ne cherche évidemment pas à informer, une fois de plus, ni expliquer, ni sensibiliser : faire peur, et c’est tout.

Et pourtant… Ironiquement…
N’est-ce pas finalement un peu rassurant de voir que même pour eux, ce qui fait peur en cas d’accident nucléaire ultime, c’est l’impact économique ?

Bon. Dernière ligne droite : Fukushima-Daiichi.

Bonne nouvelle, les chiffres sont corrects ! À noter que 160 000, c’est le nombre d’évacués sur le coup, la moitié environ est rentrée depuis. Mais c’est quand même un bon nombre.

Et si des catastrophes non-nucléaires (climatiques, par exemple) ont déjà provoqué des évacuations pires que cela, ce ne sont jamais des évacuations durables, alors que là, indeed

Qui plus est, le nombre de personnes déplacées est indéniablement un indicateur pertinent, car les évacuations liées à l’accident de Fukushima-Daiichi sont la principale conséquence de l’accident sur les populations, en l’absence de conséquence sanitaire significative.

Par contre, la superficie contaminée n’est par pertinente, car la présence d’une contamination n’est pas un indicateur de risque : techniquement, le monde entier est contaminé par les retombées des essais nucléaires atmosphériques (on reboucle sur le début de cet article, là).
Plus simplement, les substances radioactives sont omniprésentes dans l’environnement du fait de la simple radioactivité naturelle (tellurique, cosmique…).
En pratique, dans l’étude de l’IRSN qu’on évoquait juste avant, les évacuations sont considérées à partir de 500 kBq/m² de contamination en Césium 137. 
Alors que les « 8% », c’est la superficie contaminée… À 10 kBq/m² ou plus !

Ce qui serait plus pertinent pour évaluer le risque serait la nécessité d’évacuer ou non – on en revient à l’autre nombre indiqué, seul ici ayant un intérêt. 

Enfin, le meilleur : 160 000 déplacés, est-ce inédit ?
Dans l’absolu : non. Suffit de penser aux guerres. 
Et en dehors de ça, sur des évacuations de courtes durées, ce n’est pas inédit non plus. Par exemple les évacuations avant un ouragan aux USA.
Autre exemple, lié au secteur de l’électricité cette fois : début 2017, 188 000 personnes avaient été évacuées quelques jours en Californie en raison d’un risque de débordement d’un barrage et d’inondation.

Cependant, une évacuation de plusieurs années d’une telle ampleur est probablement unique à ce jour.

Mais… Y’a un mais. Et on va finir en parlant climat, comme promis plus haut. 

Et ça devient amusant. Humour noir, par contre.
Le rapport SR15 du GIEC (celui publié fin 2018 sur le maintien sous 1,5 °C du réchauffement planétaire) mentionne qu’un réchauffement climatique global de 1,5 °C au lieu de 2 °C peut réduire de 10 millions le nombre de personnes exposées au problème de montée des eaux.

DIX FUCKING MILLIONS. 

Juste pour la montée des eaux, j’vous parle pas de désertification, de crises alimentaires, de pénuries d’eau !
Et comment l’obtenir, cette limitation à 1,5 °C ? Entre autres, elle requiert un recours accru… au nucléaire.
Lourdement accru.
Pas QUE à ça, évidemment. Mais à ça quand même.

Les risques nucléaires soulignés par les écologistes vous inquiètent ? Alors soyez rationnels, et… 

…Soutenez le développement nucléaire. Car les risques, quand ils ne sont pas déformés avec malhonnêteté, restent modestes devant le dérèglement climatique.
On est face à un risque MAJEUR, à la probabilité d’occurrence proche de 100%, global, multi-générationnel.
Faire la fine bouche pour des risques à la probabilité d’occurrence quasiment nulle, locaux, limités dans le temps

No way. Vous ne l’assumerez pas devant vos petits enfants.
Enterrez les « Sortir du Nucléaire », et tous les discours antinucs des membres de ce réseau. Laissez couler les écologistes politiques de l’ancien temps.

Forcez les Greenpeace, Réseau Action Climat, Fondation Nicolas Hulot, France Nature Environnement, France Insoumise, à abandonner leurs dogmes pour penser à l’urgence climatique. 

S’ils n’en sont capables, lâchez les aussi.

Si vous marchez pour le climat, marchez. Et laissez derrière les cadavres de ces politiques de l’ancien monde.

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#AntinucléairesVSclimat : « Nucléaire : inadapté à un climat dégradé »

Thread initial par @Spades_libre :

Bon, on va commencer par le premier point. 

En cas de canicule, on module en effet la puissance des réacteurs. 
Pas pour des raisons de sûreté, mais pour respecter l’arrêté de rejet.
En gros, on a un circuit d’eau qui pompe depuis la source d’eau, on refroidit notre matériel avec, et on la rejette. 
N’ayant pas le droit de chauffer l’eau au delà d’une certaine valeur, si le débit du fleuve diminue on peut être amené a baisser la puissance.

Je vous cite : « cela conduit EDF a importer de l’électricité a prix d’or »

J’avais un peu de temps à perdre, j’ai été vérifier… Direction le site de RTE. Section sur les imports/exports. On peut choisir des dates, je pars de début juillet à fin août et j’obtiens ceci :

« Chef, le monsieur il dit que sur la période estivale on est exportateurs
– Ouais ben… Faut aller regarder les journées les plus chaudes »

Bon. Alors on va taper les journées les plus chaudes de l’été. Tiens, d’après météo France, y a eu une pointe de chaleur le 26 juillet. 

On refait un tour sur la moulinette de RTE…

Fun Fact: même sur les épisodes les plus chauds, la France exporte de l’électricité nucléaire vers son voisin allemand, la star européenne de l’éolien 😱
On a une belle marge… En été, la consommation électrique française est autour de 50 GW et pas loin du double en hiver. 
Même en baissant la puissance de quelques réacteurs en bord de fleuve en été on est loin de la déroute… (C’est aussi pour ça qu’on y programme des arrêts)

Bon… 
J’arrive sur le point suivant. Le nucléaire « consomme » beaucoup d’eau.
Pardon, j’ai omis d’être alarmiste. 
« Nom de dieu de bordel de merde! Vous vous rendez compte? Le nucléaire consomme de l’eau! On va tous mourir! »

Alors… 
1) Un réacteur nucléaire consomme en effet quelques m3 d’eau par seconde. Et il en rejette exactement la même quantité. On pompe, on refroidit nos matériels, et on rejette.
C’est ce que vous voyez en haut du gros machin gris ici.

2) Allez j’ose… 
La planète dont on se préoccupe, on la surnomme habituellement « planète bleue ». Vous savez pourquoi? 
Parce que de l’eau, on en a PLEIN.
Mais quel mauvais argument que de dire que le nucléaire c’est mal parce que ça consomme de l’eau.. 
On peut reprocher plein de choses à la filière nucléaire (déchets ou autre) mais la consommation d’eau?? C’est tellement pas significatif par rapport au cycle de l’eau mondial..

Je refais un saut eclair sur le point 1… 
Vous dites que 10 réacteurs ont été arrêtés a cause de la canicule.
Les journaux en comptent 4, vous auriez pas ajouté quelques arrêts déjà programmés pour grossir le chiffre ? 

Point suivant. 
« Les réacteurs auront soif »

(Bon les gars, je sais pas qui vous a dégotté vos titres mais ça va pas du tout là.)
Déjà, notons que sur votre dessin, aucun réacteur ne se situe sur une zone rouge, débit d’étiage diminué de moitié.. 

Mais comme on va le voir, vu les ordres de grandeur dont on parle, ça ne serait même pas gênant.

Une centrale, du point de vue sûreté, a besoin de peu de débit. 
Elle utilise des pompes (circuit SEC), débit de l’ordre de 2000 m3 par heure, soit moins d’un par seconde. 

Il y a quatre pompes par tranche (une seule suffit a faire le boulot).
Pour un site 4 tranches, le débit nécessaire est donc de l’ordre de quelques m3 par seconde.
Le débit actuel du Rhône pour prendre un exemple est de plus de 1000 m3 par seconde. 
Le débit d’étiage (débit le plus bas) est de plusieurs dizaines de m3 par seconde. 
–> on a de la marge avant de « crever de soif »

Je précise que je parle ici de débit nécessaire a la sûreté. Quand on en est là, on n’est plus en puissance, ce qui de toute façon ne serait pas problématique, cf plus haut.

Passons à la suite:

Cette fois, le problème serait qu’on a trop d’eau (décidément…). 

Si on émet trop de carbone, le niveau des océans monte, et on connaît la suite…  Quelle meilleure réponse à faire là-dessus que rappeler que selon le dernier rapport du GIEC
[SR15, le rapport spécial dédié aux moyens de tenir le dérèglement climatique sous 1,5 °C d’ici la 2100 paru dernier trimestre 2018], si on ne veut pas produire de carbone les scénarios proposés envisagent entre +50% et +500% de nucléaire.
Dites, , vous avez une remarque a ce sujet ?

En image, c’est mieux :

Je finis rapidement sur l’incident du Blayais, l’innondation de 1999. 
Incident classé au niveau… 2 de l’échelle INES (sur 7).

Et sur lequel un gros retour d’expérience a été entrepris au niveau du parc, ce qui est parfaitement normal.

#fin

Je me permets d’apporter quelques compléments.
Notamment quelques articles de la SFEN :

Ainsi que, davantage en guise d’anecdote, ce tout récent article sur le froid polaire frappant les USA, entraînant des menaces sur l’approvisionnement électrique en raison des pénuries de charbon ou gaz dans les centrales électriques… Que les centrales nucléaires regardent en souriant.